Il n'y a que de bonnes raisons d'agir pour mettre fin aux dérives de la chasse. Contribuez de votre voix ici
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Ce soir, je souhaite rendre visite à un ami que j’ai négligé ces derniers temps. Je traverse le village et monte le sentier… cavalcade bruyante à droite ! Non, capreolade : un chevreuil s’enfuit sur le talus et j’en suis désolée. Je me fais plus silencieuse encore, mais à nouveau, galop précipité et bonds dans la prairie à gauche sans lesquels je n’aurais pas vu la chevrette. Je me sens honteuse de ces deux dérangements en si peu de temps. J’ai donc encore des progrès à faire avant de devenir chevrette. A présent enracinée, je suis au moins inaudible. Etre inodore est certainement illusoire, mais comme une légère brise me chatouille le visage, je serai discrète pour qui arrivera en face. Tout est vert et ocre rouge. Un merle ne cesse de donner l’alarme. Un tracteur passe trop près, trop vite, trop bruyant, à 100 mètres. Tout est gris bleuté. Friselis et froissements : un petit fantôme s’agite. Je l’entends se déplacer, fourrager, mais non s’épouiller. Peut-être est-il accompagné, mais l’obscurité me rend incertaine. J’attends que tout soit silencieux et je descends en espérant ainsi ne pas déranger mon ami blaireau, car les pistes de cet hiver partaient toutes vers le haut. ![]() Au bas du sentier, la maison toute illuminée me gâche le velouté nocturne. Une énorme bâtisse, baies vitrées non occultées sur la façade et le pignon, diffuse sa pollution lumineuse sur le sentier et le petit bois, tel un mur infranchissable et hostile supplémentaire entre le petit peuple sauvage et l’ample humanité. La lumière va plus loin que les murs et les fenêtres d’une maison. Elle touche des zones qui devraient juste être éclairées par la lune. Elle insécurise et perturbe les animaux dont la vision est optimale dans l’obscurité. La chevêche compterait-elle les étoiles ? Pour en savoir davantage : https://www.rtbf.be/auvio/detail_les-curieux-du-matin-sophie-brems?id=2175166
Partis, les décérébrés qui ont campé tout l'été, laissant les lieux ravagés. A venir, les lobotomisés qui vont chasser pour le simple plaisir de tuer. Qu'il est bon de baguenauder. Château de la Haute-Roche : quand l'humanité est ruine, la végétation culmine. La petite fenêtre bleue du domaine de Goupirou.
Il m’a fallu patienter jusqu’au lever tardif du soleil pour retrouver peu à peu toute la joyeuse bande à Cacao. Ils étaient tout gratouillant et papouillant, comme réjouis d’être encore ensemble.
L’hiver a dépeuplé le pré face à mon atelier. La famille Cacao est rentrée à l’étable et au printemps prochain, les petits me seront méconnaissables ; certains ont peut-être rejoint une autre destinée et je ne les reverrai pas. Après ces mois de voisinage, j’ai encore beaucoup à plancher sur les vaches pour comprendre l’éthologie bovine. Mais il me semble évident que sous le cuir palpite un cœur… vachement semblable au nôtre. Mes voisins bovins ont la chance, pas assez répandue hélas, de pouvoir mener une vie épanouie dans l’intimité des bocages qui leur procurent tantôt fraîcheur en cas de chaleur, tantôt protection contre les intempéries. Tout en regardant paisiblement passer notre si peu sapiens train-train humain, ils peuvent se gratter contre des troncs, explorer et surprendre l’ondulante hermine, le riant pic-vert et la revêche chevêche. Mais quel choc – tant physique que psychologique - doit représenter le voyage infernal dans une remorque cahotante et dure, dépassée par des bolides au gaz nauséabonds, pour la destination hécatombe[1] ! Quelle que soit la sensibilité de chacun à la cause animale, un changement d’attitude est de toute façon indispensable à la survie de notre espèce humaine, voyez le rapport de la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations). Alors, avant de cogiter vos emplettes, pensez aux légumineuses, mises à l’honneur cette année par la 68ème Assemblée des Nations-Unies. Et si vraiment vous ne pouvez échapper à ces incontournables barbecues… faites des envieux avec une délicieuse brochette de légumes ! Sources : Cyrulnik, B. (Eds) : Si les lions pouvaient parler. Gallimard. Tacheny, A. : Éthologie des bovins. Notes de cours. Février 2012. Walter, H., Avenas, P. : L’étonnante histoire des noms des mammifères. Robert Laffont. [1] Hécatombe étymologiquement signifie sacrifice de 100 (hekaton) bœufs (bous). 20 mai, 8h. Cacao est couché, tête dressée vers le nord. Cousin est debout tout à côté, son mufle posé contre le cou du taurillon. Ils restent ainsi une longue minute, puis Cousin se redresse et reste debout à côté de Cacao maintenant roulé en boule. L’organisation sociale des bovins est en partie basée sur des relations de dominance, mais ce sont les affinités qui assurent la cohésion du troupeau. Elles ont pour origine la parenté ou une histoire commune durant les 6 premiers mois de la vie, avant que ne s’établissent les relations de dominance. Ces relations privilégiées accroissent la tolérance lors des situations de compétition. Elles se manifestent par le léchage, le flairage, le frottement, l’appui de la tête contre le corps de l’autre, des jeux de tête, l’épouillage mutuel, la proximité spatiale. 29 mai. Cacao et Cousin sont volontiers ensemble, à se faire des papouilles. Cacao reste aussi très proche du chariot de bon fourrage, trop haut pour lui. Il attend et se place en-dessous de Moman ou de Cousin quand il broute, pour récupérer le fourrage qui tombe. 31mai. Il pleut à l’horizontale, mais Alain traverse lentement le pré vers la famille Cacao qui s’écarte et le suit du regard. Le vétérinaire le suit aussi, tout en revêtant une blouse de plastique transparent. Françoise les rejoint. Ils s’approchent d’une vache qu’Alain attache au chariot de bon fourrage. La famille Cacao s’attroupe et observe la scène. Le vétérinaire incise le ventre de la vache. De cette fente de tirelire rouge, dépasse une queue brune : un petit veau va venir au monde. Françoise tire sur la corde qui lie la tête de la vache. Le vétérinaire plonge les deux bras dans le ventre de la vache et une masse tombe sur le sol, désarticulée. Mais bientôt le petit puzzle s’assemble et devient petit veau qui se secoue les oreilles et se toilette. Le vétérinaire tire le placenta et recoud la plaie pendant que Françoise tapote en souriant la tête de la maman vache qui s’impatiente. C’est l’une des rares césariennes pratiquées dans cet élevage bio. Parée d’un magnifique pansement vert, la vache libérée marche droit vers le fond du pré et disparaît derrière l’étable, plantant là toute l’assemblée, abandonnant son petit. Alain se fait pour ainsi dire bosphoronte : il lie les pattes arrière du petit veau et le traîne derrière lui, suivi par toute la famille Cacao. Le temps d’un petit arrêt, Moman s’approche pour lécher le petit veau. Alain reprend le taurillon par les pattes et le cortège reprend, jusqu’à hors de portée de ma vue.
Pour approcher un objet inconnu, le bovin tend le museau en avant et en cas de méfiance, tend le corps en arrière. Il renifle, puis lèche l’objet. Après un temps de repos, l’accouchée reconnaît son petit à l’odeur du liquide amniotique et le lèche en vocalisant (tendrement). Il arrive qu’elle mange le placenta. Une vache peut adopter d’autres veaux. (à suivre) 19 mai, 21h20. Sur la colline récemment fauchée, deux chevreuils sortent du petit bois. Le brocard marche posément et s’arrête régulièrement pour observer les alentours. Sa compagne trotte, galope, s’arrête à 10 mètres de lui puis court en rond à fond de train, tandis que lui continue sa marche, impassible. Juste en face, Cacao court lui aussi, tout ondulant autour de Moman. Il court tête baissée et queue relevée face à elle. Ils joignent leur front, tournent ensemble, relèvent la tête et se frottent mutuellement le cou. La queue se porte relevée lors des jeux et coups de tête. Dans la relation mère-jeune, le toucher est fréquent. La sensibilité tactile est exacerbée dans les zones de peau plus fine : joues, encolure, attache de la queue, intérieur des cuisses et évidemment mamelles et vulve. Les naseaux et la base des cornes sont le siège de nombreux récepteurs de douleur. 13 mai. Hier, Cacao a longuement tété. Aujourd’hui il entreprend Cousin par derrière et même Moman, après de longs moments à se frotter le museau et la tête sur chacun. Cousin se dresse et présente le front à Cacao : c’est une posture de menace caractéristique. Mais le taurillon ne se laisse pas intimider ! Après 2 ou 3 tentatives, il se couche entre Moman et Cousin. La tentative de monte fait partie des comportements sociaux, quel que soit le sexe et l’état physiologique de l’animal. En dehors de l’œstrus, la monte est refusée par le déplacement de l’individu monté.
à suivre... 9 avril, 9h. La fenêtre de mon atelier s’ouvre cette fois sur un spectacle bien plus réjouissant : un petit veau chocolat à croquer qui, je le sens, va me motiver à acquérir quelques rudiments sur les ruminants. Le petit Cacao est seul jeune au milieu d’adultes, dont sa Moman, une belle brune aux yeux fardés (une « Pie-rouge »). Il sautille auprès de chacune, gambade de l’une à l’autre, mais ces blasées se montrent vaches en le rabrouant d’un mouvement de tête ou de queue. Cacao reste un instant interdit, se secoue les oreilles puis s’approche de sa mère couchée. Il se frotte la tête, le front, le cou sur le dos de sa Moman puis se couche tout contre elle pour une longue sieste de 3h. 10 avril. Cacao tète alternativement une vache noir et blanc - une « Pie-noire », appelons-la Tantine - et Moman. Tantine est aussi patiente que Moman, quand Cacao tire violemment sur le pis. Pendant qu’il tète Tantine, Moman lui lèche le dos. 8 mai. Le frère d’Alain arrive en renfort pour l’aider au vêlage dans l’étable. La famille de Cacao s’approche aussitôt et tend le cou comme pour mieux voir. Moman en flehmen ne se préoccupe nullement de Cacao qui tente vainement de percer le groupe des adultes. Avec le départ des deux hommes, la famille se disperse dans le pré. Cacao tente de téter mais Moman en déplacement le repousse d’un coup de queue ; il insiste, elle le laisse faire. Après avoir goulument et longuement tété, le broutard s’aplatit dans les pissenlits.
Chez cet animal grégaire, les comportements de déplacement, nourriture, repos sont en général synchronisés. Les vocalisations sont l’un des moyens de communication dans le troupeau. L’oreille bovine est capable de percevoir les ultra-sons jusqu’à 35 000 Hz. L’odorat est très développé. Il sert la communication, la reconnaissance individuelle et l’organisation sociale du troupeau. Il prime sur la vue pour la reconnaissance du petit. Afin de détecter les phéromones et hormones sexuelles, le bovin retrousse la lèvre supérieure pour imprégner l’organe voméro-nasal (dit de Jacobson), situé au palais. Pour cet exercice, il doit adopter une moue nommée flehmen, caractéristique des ovins, équidés, les cervidés et félidés. L’organe de Jacobson, bien que vestigial chez les humains, est présent chez tous les autres mammifères ainsi que chez les reptiles, qui se peuvent se contenter de humer par le nez pour l’imprégner. Le champ visuel panoramique balaie 330° sans bouger la tête. Mais la position latérale des yeux induit un cône d’ombre frontal, qui bouche la vue en-deçà d’1m en face. Cette lacune est compensée par l’odorat puissant. Le bovin perçoit peu de détails dans un objet immobile, mais détecte finement les mouvements, jusqu’à déceler ce qui serait imperceptible à l’œil humain. Voilà qui explique le mouvement de recul de l’animal quand vous avancez vers lui, même posément. (à suivre) |
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May 2020
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